Katherine Bakhoum Tisne

Vingt six nouvelles œuvres de Katherine Bakhoum Tisné

Approchez-vous. Penchez-vous au dessus des cordes tressées qui protègent ces toiles. Fermez les yeux, puis rouvrez les. Vous entendrez le bruissement des robes et le vent dans le sable, vous pourrez imaginer le pastel qui crisse. L’art n’est jamais chaste, la peinture de Katherine Tisné nous dit qu’il est parfois discret.

Pour ses pastels, Katherine Tisné n’a pas recours à des huiles exigeantes, des acryliques criardes. Elle procède par touches rapides, des touches couvrantes, éclatantes, frémissantes, stimulantes, et toujours tendres.

Veillez à ce qui se passe derrière une toile, écoutez un chuchotement, un murmure, chaque tableau est une invitation, chaque pastel devient métaphore, incarne le travail de l’artiste. Et maintenant, dépêchez-vous , les personnages vous emportent, ne soyez pas en retard – d’autres sont venus avant vous, à l’heure, ils ont eu la chance de trouver ce qui les conduit au cœur même des tableaux.. Une douzaine ici, une dizaine là, qui explorent et touchent la terre , le ciel, puis s’égarent et retrouvent leur route, la légèreté de leur propre rêve.

En anglais, les whispering galleries sont des miracles acoustiques : sans voir quiconque, on peut tout entendre de l’autre côté d’une cathédrale, d’un palais. Les tableaux de Katherine Tisné évoquent ces whispering galleries et lèvent le voile sur leurs secrets : la suivante d’un palais pourrait avancer dans la lumière et dirait peut-être : Psitt… je l’ai vu avec elle dans le jardin, il lui tendait une grappe de raisin… Peut-être ou peut-être pas, n’est-ce pas le secret qui compte ? Ailleurs, un voyageur tournoie dans le lointain, un bonze retient l’attention et ponctue un texte, des touffes d’arbres scandent la ligne d’un horizon qui bourdonne. Les corps sont des lettres, ou seraient-ils des étoiles que nos yeux transforment en constellations ? Dans les portraits orientaux, envoûtants sous le masque de la beauté, le regard parle du désir. Le langage et les étoiles ont au fond la même source.

Chez Katherine Tisné, un son, perceptible, fait miroiter les couleurs et les formes – couleurs qui gardent l’empreinte du plâtre sur les vieux murs, formes renaissantes, qui vibrent de leur origine. Les personnages dansent, les voix chantent, la peinture de Katherine Tisné rend possibles toutes ces métamorphoses. Elle a l’ambition intime de guider des allers – retours entre un monde perdu et un monde à découvrir.

Enfin, refaites le tour de la galerie dans un sens,puis dans l’autre. Souvenez-vous, et oubliez, vous aurez des sensations entièrement nouvelles, le ciel va s’ouvrir, et avec lui, la terre. Bienvenue au firmament de Katherine Tisné . Un petit triomphe, ainsi j’aimerais l’appeler.

Roger Salloch, 2005
Traduit de l’anglais par Yvonne Baby